Trouvailles fortuites aux détecteurs de métal
Nous avons longuement réfléchi à la question qui agite et souvent oppose certains groupes de personnes : détectoristes, conservateurs de musée etc. Le problème, c'est que cette agitation est le plus souvent mue par des ressentiments et des frustrations qui empêchent toute réflexion saine, et qui d'ailleurs émanent le plus souvent de gens qui n'ont aucune part réelle dans la question, qui jugent de tout sans rien connaître, ou encore de personnes qui naviguent entre les différents groupes et qui tirent profit des uns et des autres en alimentant la controverse. Tout ce ressentiment est peuplé de créatures troubles, 100 % imaginatives :
- "le détectoriste pilleur de tombes, qui trouve des bijoux en or de l'époque celtique et qui va les fondre la nuit dans sa cave".
- "le conservateur de musée aigri, qui critique les détectoristes alors qu'il aimerait bien s'en mettre plein les poches comme eux".
- "l'archéologue jaloux et corporatiste, qui n'a jamais rien trouvé de sa vie, et qui s'estime le seul à être capable de gratter le sol".
- "le membre titulaire d'une société archéologique de province, qui se proclame amateur désintéressé mais qui aime pavaner dans sa basse-cour d'admirateurs et qui se constitue en douce une collection secrète qu'il revendra pour sa retraite".
Loin de ces archétypes stupides, voici comment résumer notre pensée :
NOTION D'OBJET PERDU
Les matrices de sceaux, les menues monnaies et autres bricoles métalliques, ne sont pas des "trésors archéologiques", mais des objets généralement perdus par leur propriétaire (lors d'un voyage par exemple). Il importe de bien distinguer :
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d'une part le "trésor" (qui selon la loi est "enfoui" intentionnellement pour le protéger, et que l'enfouisseur n'a pas récupéré) ;
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d'autre part la "chose perdue" sur un chemin vicinal ou dans le potager familial.
Selon les dispositions légales mises en place par le Gouvernement de Vichy (1941) et continuées depuis, procéder à des fouilles requiert une autorisation administrative, surtout lorsqu'il s'agit d'un site archéologique ou d'un monument important (tombe etc.). Mais ramasser un "objet perdu" que l'on a trouvé fortuitement n'équivaut pas à "faire des fouilles". Cela ne requiert aucune autorisation (autre que celle du propriétaire du terrain).
TRAVAIL APPRÉCIABLE
A condition de ne pas piller de sites archéologiques, de faire les déclarations éventuellement requises et de partager la valeur de leur trouvaille avec le propriétaire des lieux, les détectoristes font un travail appréciable :
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En effet, en trouvant la matrice de sceau, ils font surgir du sol une partie de notre histoire. Une matrice de sceau extraite du sol, c'est un morceau de la France qui renaît.
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selon les estimations données par un chercheur bien connu de l'Université de Caen, lors d'un récent colloque consacré aux matrices de sceaux, plus de 1200 matrices découvertes par des détectoristes ces six dernières années, ont été présentées à M. Gilles Rondel (soit 200 par an), lequel en a fait des photographies et des moulages, et les a étudiées et décrites. Ainsi, tous les sept ans, les détectoristes découvrent au moins autant de matrices qu'en conserve la Bibliothèque nationale (1500) ! C'est dire l'importance de ces découvertes. Je ne pense pas qu'il existe un seul autre domaine d'antiquités, dont les nouvelles découvertes soient aussi nombreuses en comparaison des objets conservés dans les institutions ou musées.
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toujours selon ce chercheur, il y a trente ans l'on ne connaissait que 2 matrices en plomb produites en Normandie. Aujourd'hui, ce sont plus de 300 autres qui ont été trouvées par des détectoristes, puis répertoriées et étudiées.
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Ensuite, dans tous les cas que j'ai eu à connaître, les découvreurs conservent parfaitement leur matrice, après l'avoir nettoyée ; et ils se livrent ensuite à des recherches pour identifier le premier propriétaire du sceau etc. Les détectoristes sont dans la plupart des cas les premiers "chercheurs scientifiques" des objets qu'ils ont trouvés, et ils ne demandent qu'à céder le relais de la recherche à plus compétent qu'eux.
TRAVAIL UTILE
Les détectoristes pratiquent une activité qui est donc utile, car sans leurs trouvailles certains de ceux qui les critiquent n'auraient aucun sceau à étudier... Si les détectoristes disparaissaient, plusieurs conservateurs ou membres de sociétés savantes tourneraient en rond dans leur bureau. D'ailleurs, les institutions publiques (musées, services d'archives, Archives nationales etc.) achètent volontiers, à l'amiable ou aux enchères, des matrices de sceaux découvertes par des détectoristes.
TRAVAIL IRREMPLAÇABLE
Les détectoristes prospectent là où jamais un archéologue n'ira fouiller : chemins, labours, jardin potager etc. Les trouvailles qu'ils font, personne ne les fera à leur place. S'ils n'étaient pas là pour extraire une matrice du sol, cette matrice continuerait à se dégrader, exposée qu'elle serait aux agents toxiques, à la charrue ou au broyeur. Le détectoriste a donc un rôle irremplaçable dans la "chaîne archéologique". Une matrice de sceau ramassée, c'est une matrice sauvée ; une matrice laissée dans le sol, c'est une matrice perdue à tout jamais.
PARTAGE DE LA DÉCOUVERTE
Il est hautement souhaitable que les découvertes soient partagées, afin que l'histoire en soit augmentée. Un sceau jalousement mis au secret d'un coffre n'a guère d'utilité ; tandis qu'un sceau dont la découverte est bien circonstanciée (lieu etc.), dont de bonnes photographies sont visibles sur internet, qui fait l'objet d'une description et dont des empreintes sont disponibles, peut éclairer tel ou tel point d'histoire locale ou nationale. Partager la découverte d'une pièce d'un franc à l'effigie de Napoléon III n'a aucun intérêt, puisque ces monnaies furent frappées à plusieurs dizaines de millions d'exemplaires ; mais partager la découverte d'un sceau, qui est (à de très rares exceptions près) un objet unique personnalisé, apporte toujours un élément à l'histoire.
COLLABORATION
Une matrice trouvée fortuitement et ramassée, doit poursuivre sa course depuis sa sortie du sol jusqu'à sa pleine révélation. Il convient donc qu'elle soit étudiée, analysée, expertisée, authentifiée etc. La pire chose qui puisse donc arriver est donc le maintien de la "petite guéguerre" entre tous les intervenants : découvreurs, archéologues, scientifiques, conservateurs etc. Autour d'une matrice de sceau, plusieurs bonnes fées peuvent se pencher : le scientifique va déterminer la composition de l'alliage, le restaurateur va faire un moulage sans abîmer le métal, l'archéologue va contextualiser la découverte, le sigillographe va lire la légende, l'érudit local va rechercher des sources d'archives sur le commanditaire du sceau, l'historien des sociétés va placer ce sceau dans la perspective de son usage social, l'expert va fournir un certificat d'authenticité et une valeur pour l'assurance, l'héraldiste va expliquer la signification de telle brisure héraldique, le conservateur va conseiller la vente à tel musée, etc. etc. etc.
« LIBERTÉ, LIBERTÉ CHÉRIE .... »
Pour toutes ces raisons, mais surtout parce que seul d'impérieuses nécessités peuvent justifier l'entrave à la liberté humaine dont le Créateur nous a dotés, l'activité de détection doit conserver la liberté dont elle jouit présentement. A cet égard, il faut dénoncer le projet de la "loi patrimoine", qui est un véritable danger pour les libertés publiques en général, et pour la détection en particulier. D'un point de vue général, cette loi se situe dans le contexte global :
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de l'oppression législative (dénaturation du code civil, alourdissement du code pénal, démesure des réglements administratifs, étatisme tyrannique, intrusion de l'Etat dans la vie privée etc.)
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de la socialisation progressive et forcée des biens qui est la première étape de la socialisation des personnes et de la pensée. Cette socialisation des biens est fort avancée : impôts confiscatoires (= vol du travail), droits de succession spoliatoires (= vol du patrimoine), etc. Et parmi les idées avancées lors du projet de la "loi patrimoine", il y a le fait que sera déclaré propriété de l'Etat tout objet trouvé dans le sol ! Par exemple, vous trouverez dans votre jardin la médaille de baptême que votre grand-mère a perdue en jouant à la balançoire : elle appartiendra à l'Etat !
L'expérience montre que dans des domaines assez techniques comme celui-ci, le législateur est AVEUGLE, donc MANOEUVRÉ. Parmi les nombreuses centaines de députés et sénateurs qui tricottent et détricottent les textes, très peu (voire pas un) n'a la moindre idée précise de la réalité et des enjeux de la "détection". Aussi sont-ils à la merci des groupes de pression qui influent sur le travail des commissions en agitant devant leurs yeux les épouvantails classiques (le danger des pilleurs de tombes !) et les grands sentiments (la protection du patrimoine !). Ajoutez à cela les lobbys profesionnels de certains corps de fonctionnaires mûs par la pire des rigidités étatiques, et l'on arrive assez vite à des textes complètement décalés, destructeurs des libertés concrètes et encore plus inaptes que les précédents à sauvegarder les grands principes proclamés. Quand on entend une assemblée législative proclamer de grands principes à sauvegarder et désigner un ennemi dont il faudrait se protéger, il faut toujours craindre le pire ! C'est ainsi qu'ont été justifiés les plus ignobles massacres et les plus abominables génocides, par exemple : « la république est en danger, exterminons la Vendée ! ». Aujourd'hui, le principe est le même, seules changent la proportion et l'étendue : « le patrimoine est en danger, pénalisons les détectoristes ! ».
Nous pensons donc qu'il faut combattre cette folie législative, et protéger nos libertés concrètes : parmi lesquelles, la liberté de "fortuiter" des matrices de sceau sur nos chemins vicinaux ou les labours de nos voisins, le droit d'autrui étant sauf.
Je précise à toutes fins utiles que je ne suis pas "détectoriste", et que je n'ai même jamais tenu en main un appareil de détection de métaux. Si je défends le droit et le travail des détectoristes, c'est par simple souci de la vérité et de la justice, et non pas pour "prêcher pour ma paroisse" !
Paris, 11-15 octobre 2014.
Roch de Coligny
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